La Région Auvergne-Rhône Alpes a fait du Numérique un des principaux leviers de son développement avec pour ambition de devenir « la Silicon Valley de l’Europe ». Elle se dotera dès septembre d’un Campus Numérique pour proposer des formations innovantes et accompagner les entreprises dans leur transformation numérique. Quelle est la stratégie à l’œuvre ? Quelles actions ont été mises en place pour les territoires ruraux et de montagne de notre grande Région ?
Juliette Jarry, Vice-Présidente du Conseil régional d’Auvergne-Rhône Alpes déléguée aux infrastructures, à l’économie et aux usages numériques répond à RURALITIC.
RURALITIC : La fusion des Régions Auvergne et Rhône Alpes vous a probablement conduite à percevoir des différences en matière de développement numérique. Quel état des lieux avez-vous fait en prenant vos fonctions ?
Juliette Jarry : Les deux anciennes Régions présentaient des profils hétérogènes, notamment sur le portage des actions. Côté ex-Rhône Alpes, ce sont les Départements qui portaient le SDTAN (schéma de développement numérique). Alors que côté ex-Auvergne, Région et départements s’étaient fédérés pour la mise en œuvre de 2 partenariats public-privé, pour le Haut et le Très Haut Débit (THD).
Depuis début 2016, le Conseil régional Auvergne Rhône-Alpes a souhaité harmoniser et renforcer sur son nouveau périmètre ses actions en matière numérique. Cela s’est traduit par une augmentation de 40 % du budget des infrastructures dès la première année. C’est le rôle d’une Région de créer une égalité d’accès sur tout son territoire. C’est un chantier majeur, structurant et nous avons conscience des attentes fortes des citoyens sur cette question. Elles sont légitimes. C’est pour cette raison que nous soutenons à hauteur de 450 millions d’euros les Réseaux d’Initiative Publique sur les 10 ans qui viennent. C’est pour cela aussi que nous souhaitons désormais suivre au plus près l’effectivité des déploiements. Aujourd’hui, nous disposons d’indicateurs sur le nombre et les délais de raccordement, sur le respect des plans de déploiement… Grâce à l’impulsion de la Région et à l’implication des départements, nous allons déployer dans les prochains mois 8.500 prises supplémentaires dans des zones d’activité alors qu’elles n’étaient pas prévues dans le plan initial. L’objectif de notre Feuille de Route numérique est d’atteindre le 100% THD pour les habitants de la Région en 2021.
100% des habitants, cela veut bien dire avec les territoires ruraux ?
Naturellement. L’égalité devant le Numérique est devenu un enjeu démocratique car c’est un outil qui est nécessaire à de nombreuses démarches (déclaration d’impôts, recherche d’emploi…), au développement des entreprises (aussi bien pour se faire connaître que pour échanger avec leurs clients, sauvegarder des données en ligne…), à l’accès à l’information ou à la connaissance. Les différences de traitement entre territoires créent des situations qui sont parfois vécues comme insupportables, D’autant que je constate qu’il existe dans la ruralité une forte créativité, peut-être due à une forme de pénurie de soutien d’ailleurs. Il y a beaucoup d’énergie, d’initiatives, et d’innovation. Il ne faut pas passer à côté de ce potentiel de croissance et de réalisation. L’aménagement du territoire par les infrastructures numériques est un impératif. C’est pour cela que nous en avons fait une de nos priorités.
Pendant RURALITIC le Président de Région signera un protocole d’accord pour l’emploi et la formation dans la filière optique entre la Région et les RIP ? Quel est l’objectif de cette convention ?
En effet, nous allons signer un accord pour l’emploi et la formation dans la filière optique entre la Région et les RIP. Les réseaux en fibre optique sont en cours de déploiement sur l’ensemble de la France, et les besoins en recrutements sont importants. Selon certaines estimations, ils pourraient atteindre leur niveau le plus élevé en 2019. Certains métiers sont déjà identifiés comme étant sous tension et la concurrence entre les territoires s’intensifie pour recruter certains profils. La Région Auvergne-Rhône Alpes a inscrit dans sa Feuille de Route Numérique un programme ambitieux de déploiement de la fibre optique, pour offrir d’ici 2021 un débit minimum de 30 Mbps pour tous. Et la première responsabilité d’une Région, c’est le développement du capital humain, la formation. Que ce soit à travers la formation professionnelle, l’apprentissage ou la formation initiale, nous allons aider les entreprises du Numérique à trouver les profils dont elles ont besoin. Un protocole d’accord sera donc signé le 28 août avec la FIRIP, Orange, SFR, Axione, Covage et l’ensemble de la filière… afin de faire du déploiement du très haut débit sur la Région un véritable levier pour l’emploi. Il s’agit d’une formidable opportunité pour l’emploi dans la Région : de nombreuses entreprises ont besoin de main d’œuvre et toutes les catégories de métiers sont concernées. Former pour répondre aux besoins de compétences de nos entreprises, c’est le 2ème pilier de notre stratégie numérique.
Votre feuille de route numérique intègre un volet concernant les services publics et privés aux citoyens. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le 3ème pilier est effectivement le développement de la citoyenneté et de la confiance numérique. Dans un monde qui se numérise rapidement, trop vite pour certains, il est nécessaire que nos actions en tant que Région débouchent sur des services utiles, fiables, faciles à utiliser pour les citoyens. Cela concerne par exemple la nouvelle Carte Jeunes de la Région (utilisable à partir des smartphones notamment), l’évolution de la billettique et du système d’information voyageur sur les mobilités à l’échelle régionale ou encore le développement du numérique éducatif avec l’ENT (Environnement Numérique de Travail), les robots lycéens ou les lycées Tout Numérique. De façon générale, le développement de la citoyenneté et de la confiance numériques implique que la Région réalise sa propre révolution numérique aussi bien dans la dématérialisation de ses services que dans l’analyse des données actuelles pour anticiper les besoins du futur. La Région souhaite en effet dématérialiser d’ici quatre ans 90% des démarches des usagers de ses services.
Enfin, au-delà d’une optimisation du quotidien service par service, la Région a l’ambition de déployer un e-pass citoyen donnant accès à un bouquet de services « sans coutures » c’est-à-dire sans contrainte géographique ou administrative. L’usager pourra ainsi payer ou valider avec un même support un trajet qu’il débute en train, la location d’un vélo, son abonnement de piscine, de bibliothèque… voire même des services privés à l’instar de l’accès au parking par exemple. Un tel Pass doit s’appuyer sur des standards de confiance numérique irréprochables. L’utilisation régulière de la part de ses détenteurs générera une audience significative et offrira de nouvelles perspectives d’utilisation de la donnée massivement produite (big data). Sous réserve du respect des données individuelles, la plateforme « e-pass citoyen » pourrait dès lors s’ouvrir plus largement à des entreprises innovantes dans les services de proximité et de mobilité dématérialisés pour développer leurs innovations et leurs concepts. Ce projet ambitieux de « e-pass citoyen » du territoire régional porte intrinsèquement un volet économique au-delà du volet d’attractivité territoriale.
Quelles pourront être les déclinaisons « non-lyonnaises » du Campus Numérique ? Quelles sont les ambitions (ou déclinaisons) du Campus à l’échelle du territoire ? Comment le site sera-t-il amené à évoluer ?
Le Campus Région est un outil résolument pensé pour être au service des territoires. Le site de Lyon, qui ouvrira à la rentrée avec 500 étudiants, est une des composantes d’un projet qui vise à mailler l’ensemble du territoire régional. C’est la tête de pont d’un écosystème déployé à travers le label « hors les murs ». Il vise à recenser et à inclure dans notre démarche les formations et les initiatives qui poursuivent notre objectif d’employabilité rapide et durable des individus, et de fourniture de leviers de croissance aux entreprises, notamment via leur transition numérique. Nous avons ainsi labellisé une quinzaine de formations au début du mois de juillet. Une nouvelle vague de labellisation aura lieu à l’automne. Face aux enjeux, notre objectif est d’être pragmatiques et efficaces. Nos actions en matière de numérique doivent avoir un impact fort et rapide au service de l’emploi, de la croissance et de l’aménagement du territoire. J’invite d’ailleurs les territoires à nous faire part de leurs initiatives qui pourraient s’inscrire dans la logique du Campus.
Quel message souhaitez-vous adresser aux élus ruraux d’Auvergne-Rhône Alpes ?
Nous avons une région magnifique faite de territoires variés, une grande tradition industrielle, un tissu académique et entrepreneurial dense des savoir-faire artisanaux reconnus. Nous comptons aussi de grandes métropoles – et c’est une chance – mais le modèle urbain n’est pas le seul. Le souhait d’un nombre de plus en plus important de salariés ou d’entrepreneurs de s’installer en milieu rural pour bénéficier d’une meilleure qualité de vie l’illustre bien. Pour que ces souhaits d’implantation se réalisent, pour que les habitants actuels restent, il faut que l’environnement de vie et de travail soit le plus favorable possible ! C’est notre mission commune. Au niveau de la Région, notre rôle est de permettre à tous les citoyens, où qu’ils choisissent de vivre sur son territoire, d’accéder à des infrastructures et des services physiques quand c’est possible, numériques et performants dans les autres cas. La Région Auvergne Rhône-Alpes est fortement engagée aux côtés des territoires ruraux et de leurs élus pour atteindre cet objectif .
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