Les plateformes de téléconsultation affichent des records de connexion, pensez-vous que l’épidémie actuelle soit de nature à « vulgariser » la e-santé?
Il y a bien une « explosion » des rendez-vous médicaux à distance, et le moment le requiert. Mais cet entretien au téléphone ou en visioconférence reste très superficiel. Après la phase conversationnelle il est généralement nécessaire de pratiquer un examen médical, d’investiguer plus avant, de prendre des constantes, d’écouter la respiration, de toucher le malade… Tout cela, le simple entretien médical à distance ne le permet pas. C’est pourquoi, selon moi, la télé-consultation médicale à proprement parler est une consultation accompagnée et outillée, dans un lieu dédié, un vrai « point de téléconsultation » comme nous en avons déployés dans des EHPAD ou des maisons de santé. Ces points permettent au patient d’être ausculté à distance par un médecin grâce à la présence d’une infirmière qui va prendre sa tension, le palper, pointer une caméra fibre optique haute résolution sur certains points de son anatomie… Et accompagne le patient dans l’après-consultation, le patient n’est pas seul après le diagnostic… Ce que à quoi nous assistons aujourd’hui, les rendez-vous médicaux à distance, permet de renouveler une ordonnance, de donner un conseil ou de rassurer, mais en aucun cas de consulter. Dans la période c’est déjà quelque chose, mais à l’avenir il faudra faire beaucoup mieux avec de vrais centres de téléconsultation, si l’on veut avoir une réponse de qualité au quotidien comme en cas de crise.
De toute évidence, la téléconsultation limiterait fortement les risques d’exposition des soignants. Pourquoi ne semble-t-elle « automatique » chez les généralistes notamment?
Comme je le disais, après l’entretien, un examen médical est très souvent nécessaire. Donc les médecins ont besoin de pouvoir vraiment ausculter. mais comme la visioconférence ne suffit pas, et qu’à l’autre bout, les patients n’ont pas accès à des centres professionnels de téléconsultation, alors ils sont obligés de continuer à recevoir leurs patients physiquement et à les empiler dans leurs salles d’attente… Pour protéger les soignants, le mieux serait que les patients se rendent dans un centre de téléconsultation, un vrai, d’attendre leur tour dans la voiture, de se plonger les mains dans une bassine d’alcool iodé en entrant de porter un masque, de se faire examiner et de repartir se confiner.
Concernant les personnes âgées en établissement où Hopi est présent, qu’est-ce que les outils de télémédecine changent à leur prise en charge actuellement ?
Avant tout, ce qui changera fondamentalement la donne dans ce milieu contraint, sans doute le plus difficile qui soit, c’est le respect des mesures barrières notamment l’hygiène des mains en les plongeant dans une petite bassine d’alcool à 70° mélangée avec de l’iode. Pour les infirmières d’avoir de vrais masques et pour les patients des masques qui restent accrochés aux oreilles et sont descendus sous le menton pour n’être remis en place que lorsqu’une autre personne est dans la chambre. Mais côté télémédecine, les outils de téléconsultation peuvent contribuer à établir des diagnostics précoces et à assurer un suivi continu des patients, notamment les plus inquiétants. Les infirmières peuvent aller au chevet des patients avec une tablette connectée au médecin et un stéthoscope (nettoyé après chaque usage et stérilisé tous les soirs), et dans le meilleur des cas elle peut même utiliser un chariot mobile qu’on fait rouler jusqu’au lit du patient. Si en plus, il est muni d’un système de brumisation hydro-alcoolique, on a ce qu’il y a de plus sûr et de plus efficace. Car cela permet aussi, pour tous ces patients chroniques multi-médicamentés, au médecin d’adapter la posologie pour éviter sur et sous-dosages qui rendent la personne encore plus fragile. La vraie téléconsultation permet de suivre de façon continue les patients, c’est essentiel dans le moment que nous vivons, mais c’est aussi essentiel au quotidien, pour une médecine qui « prend soin »…
Jacques Cinqualbre est Professeur de médecine, Chirurgien et Fondateur d’Hopi Medical