La période actuelle est très rude pour les établissements culturels et nous prive largement de l’accès aux œuvres. Le Numérique constitue-t-il une alternative momentanée ou bien révèle-t-il de nouvelles manières d’accéder aux œuvres, notamment en ruralité?
Le numérique ne remplace pas les œuvres, bien évidemment, mais il en est un complément très utile. Rien ne remplacera le musée, mais le numérique permet de remédier à l’éloignement géographique et d’étudier en profondeur les œuvres, à son rythme. C’est donc un outil pédagogique formidable, qui désacralise la venue au musée et crée l’appétence pour les œuvres. Nous avons pu le voir avec les Micro-Folies : les cartels d’explication, les jeux ou les effets de zoom proposés dans le musée numérique sont très prisés par exemple par les professeurs pour développer le programme pédagogique de l’année. Et le musée numérique donne envie d’aller au musée et de voir l’œuvre en vrai, visite qui se fait généralement dans un second temps.
Les Micro-Folies semblent constituer une toute nouvelle manière de penser l’accès à la culture. Pouvez-vous nous décrire le dispositif?
Les Micro-Folies sont des sortes de maisons de la culture du 21ème siècle, dont le déploiement en France est soutenu par le Ministère de la Culture. Elles se composent de plusieurs entités. Tout d’abord d’un musée numérique, regroupant en collection les chefs d’œuvres numérisés d’établissements culturels nationaux et européens. A l’heure actuelle, nous avons deux collections nationales regroupant les œuvres de 12 établissements partenaires tels que le Louvre, l’Opéra de Paris ou encore la Philharmonie, une collection des « résidences royales européennes », regroupant les plus beaux châteaux d’Europe sous l’égide du Château de Versailles, ou encore une collection « Hauts-de-France » regroupant les œuvres d’une vingtaine de musées de Hauts-de France.
En plus du musée numérique, s’ajoute également un Fablab, une bibliothèque/ludothèque, un dispositif de réalité virtuelle, un café… Le musée numérique peut également se transformer en salle de spectacle.
La force de ce dispositif réside dans son adaptabilité. Tout d’abord, les Micro-Folies ont vocation à s’installer dans des lieux déjà existants. Nous avons des exemples multiples, avec des Micro-Folies installées dans un hall de mairie, une médiathèque, un centre commercial et même une église désacralisée ! Cela a l’avantage évidemment de réduire les coûts, mais aussi de rationaliser les besoins et les moyens de chaque territoire. L’idée n’est pas de « catapulter » un lieu culturel mais au contraire, de se baser avant tout sur les prérequis et les envies des villes et de leurs administrés.
Ensuite, elle est adaptable de par ses modules : chaque Micro-Folie est unique, et choisit ses activités parmi les modules proposés, et peut même en rajouter. Certaines Micro-Folies privilégieront le musée numérique ou le Fablab, d’autres viendront y adjoindre par exemple un jardin partagé ou une cuisine permettant de proposer des ateliers supplémentaires. Tout est possible.
Ces Micro-Folies, une fois ouvertes, forment un réseau, une coopérative artistique. Elles proposent une programmation tout au long de l’année sur leur territoire, en lien avec les acteurs culturels locaux, les associations, ou les établissements nationaux et échangent également entre elles sur les bonnes pratiques. La Micro-Folie de Bastia a par exemple organisé un festival de la BD, la Micro-Folie de Sevran a accueilli le réalisateur Ken Loach pour la promotion de son dernier film. Là encore, tout est possible ! Cette coopérative répond d’ailleurs à la demande très forte des territoires ruraux de vouloir rompre leur isolement géographique et d’être parties prenantes d’un large réseau. Bien sûr, chaque territoire garde sa propre spécificité, mais ils participent tous activement dans le même temps à cette plateforme artistique qui permet de créer du lien et développer l’échange et la coopération entre les territoires et les artistes.
200 Micro-Folies rurales sont inscrites dans « le dur » de l’Agenda rural, comment les territoires ruraux peuvent-ils candidater, quels sont les pré-requis? Pouvez-vous citer des exemples de réalisations en cours dans des territoires ou communes rurales?
Il n’y a pas de pré-requis en soi, l’idée est d’accompagner le mieux possible les villes en fonction de leurs besoins et leurs budgets. Nous recevons des demandes quasiment tous les jours, et nos chargés de déploiement étudient chaque demande au cas par cas, en collaboration étroite avec les élus, les Dracs et les acteurs culturels locaux. Pour candidater, rien de plus simple, il suffit d’envoyer un courrier officiel ou un mail précisant son envie d’accueillir le dispositif. S’ensuivra une prise de contact avec nos équipes pour étudier la meilleure manière de développer le projet et la signature d’une charte d’adhésion au réseau des Micro-Folies.
Dans les communes rurales, nous avons par exemple inauguré il y a peu à Colombelle (Calvados, 6500 ha), à Sainte-Foy-la-Grande en Pays Foyen (Gironde, 2400 ha) ou à Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne, 6200 ha).
Nous discutons avec de nombreuses petites communes à l’heure actuelle, telles que Couzon (299 ha, Allier), Venouse (Yonne, 306 ha), Cozzano (Corse du Sud, 282 ha) ou Yquebeuf (Seine-Maritime, 244 ha).
Crédits photos William Beaucardet